Autrefois
J’aimais contempler mon reflet. À la lumière incertaine du crépuscule, mon visage présent — paupières alourdies, peau ridée, distendue et tachée — se fondait dans celui d’autrefois — grands yeux cernés, bouche menue, teint livide et joues creuses. Je me rappelais ce moment précis où, vacillante sous le poids du pot de chambre malodorant, la fillette d’alors s'était arrêtée un instant devant le miroir accroché au mur. Malgré son effroi — les ogres pouvaient surgir à tout instant —, elle avait envoyé un message muet, rempli de tristesse et d’espoir, à l’adulte qu’elle deviendrait peut-être – si jamais je survis, semblait-elle dire, souviens-toi de moi. Je voudrais rassurer cette enfant, lui dire qu’elle allait réussir à s’échapper avant que ses maîtres ne la dévorent et, qu’avec le temps, elle se transformerait en femme respectée, indépendante et… libre. Je posai mon front sur la surface fraîche du miroir à main et fermais les yeux. Un tremblement me saisit, la tête me tourna, une odeur pestilentielle me fit suffoquer, je perdis l’équilibre et me retrouvais debout dans la pièce tant abhorrée. Depuis le miroir mural, une fillette terrifiée me regardait… Elle laissa tomber le pot de chambre, ouvrit la bouche et se mit à hurler.
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