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Photo du rédacteurL.M. Rapp

Une histoire courte et percutante

Dernière mise à jour : 9 oct.


Drawing of an orange orchid

Après notre incartade gastronomique, la littérature revient avec une courte histoire écrite dans le cadre du Club Contreforme. Pour ceux qui voudraient s’y mesurer, en voici les règles : dans un délai de 48 h, rédiger un texte de cinq cents mots maximum, inspiré du thème de la lettre.


Thibault Malfoy est très érudit. Je m’efforce parfois, lorsque je me sens intelligente, sensible ou profonde, de m’élever vers ces sommets culturels. Dans le cas de la nouvelle d’aujourd’hui, je me suis complu dans le prosaïsme le plus sordide. Vous voilà avertis. J’espère que vous apprécierez cette lecture et, si le thème vous donne des idées, n’hésitez pas à m’envoyer vos histoires.

À bientôt,

L. M. Rapp



L’amitié incertaine


« Bon, cette fois, c’est toi qui choisis.

— Moi ? Pourquoi ?

— Parce que j’en ai assez de tout devoir décider : qu’est-ce qu’on mange, quel film on va voir, avec quels amis on sort… J’en ai plus qu’assez ! Ras-le-bol de ta passivité. Oui, tu es passif. Alors ? Une blanche, une asiatique, une noire, une handicapée, une grosse, une vieille ?

— Ben, je sais pas. Qu’est-ce que tu préfères ?

— T’es débile ou quoi ? Tu peux pas dire ce que tu veux ?

— Ça m’est égal, c’est pour ça…

— Je t’assure que si tu continues, je te plante là et je vais chercher un autre partenaire.

— Mais t’énerves pas comme ça ! Si tu veux que je choisisse, ça va, je vais le faire. Ne me brusque pas. J’ai pas de problème pour décider, c’est juste que je croyais que tu préférais choisir et comme, moi, ça m’est égal. Ne me brusque pas, je te dis… Voilà. Ça y est. Oui, je sais… C’est pas compliqué quand même… On va se faire une… une… une asiatique.

— Tu as choisi la facilité.

— Pourquoi ?

— Ben tu sais… Les asiatiques, elles sont petites et dociles. Tu prends pas beaucoup de risques.

— Et voilà ! Tu m’obliges à choisir et après tu critiques. Moi, j’en ai rien à foutre ! Si tu préfères une noire costaude, t’as qu’à le dire et c’est tout.

— Prends pas tes grands airs ! Une petite asiatique, ça ira. »

Ils se postèrent à l’endroit habituel. À cette heure crépusculaire, les passants se hâtaient de rentrer chez eux.

« Je me gèle. Qu’est-ce que tu attends ? Celle-là te convient pas ?

— Tu la trouves bien ?

— Tu me casses les couilles ! T’as pas encore compris que c’est toi qui décides ?

— OK, OK, va pour celle-là. »

Les deux hommes barrèrent la route à la jeune femme à qui le manteau molletonné donnait un air trapu.

« Donne-nous ton sac. »

Entre le bonnet et l’écharpe, les yeux noirs les regardèrent sans ciller.

« Venez le chercher. »

Cette déclaration ébranla pour quelques secondes la résolution des deux malfrats. Le plus grand se tourna vers l’autre.

« Vas-y. Allez ! Qu’on en finisse. Après tout, tu l’as choisie… Tu m’emmerdes à la fin… C’est toi qui l’a choisie et c’est moi qui dois tout faire. »

Bien plus massif que sa proie qu’il dominait de deux têtes, il s’avança avec assurance et tendit la main vers le sac en bandoulière. Les mouvements se succédèrent si vite que l’autre n’en vit que l’apothéose finale, le grand corps de son ami, qui décrivait un demi-cercle gracieux dans les airs, puis s’écrasait au sol avec un bruit écœurant.



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