Le principe de non résistance
Des gouttes de sueur luisaient sur le crâne rasé et la bouche mince s’étira d’un sourire discret qui me parut moqueur. Son odeur fauve m’atteignait par bouffées au rythme languissant des ventilateurs poussifs. Ses longs orteils ligneux s'agrippaient au tatami, tandis qu’athlétique et puissant, il me dominait de toute sa taille et de son impudence d’homme conscient de sa force physique. Comment une femme pouvait-elle prétendre se mesurer à une telle masse?
J’avais bougé trop tard et trop mal et me retrouvais les deux bras tendus, toutes mes forces conjuguées pour retenir le sien et l’empêcher de s’abattre sur ma tête. Les cheveux collés au front, chaleur, humidité, transpiration qui coule en ruisseaux agaçants dans les yeux, sous les aisselles et jusqu’au bas du dos, la brûlure salée de la cornée, les paupières qui se lèvent et s’abaissent, la respiration rapide, le cœur qui pompe le sang, le sang chaud et moite qui circule dans les veines en direction des alvéoles des poumons pour récolter l’oxygène si nécessaire…
Au lieu de poser mon pied devant lui, comme il s’y attendait, je m’avançais par-derrière et d’un mouvement tournant lui fit perdre l’équilibre. En avant, en arrière, le grand corps s’affala sur le sol avec mauvaise grâce.
Une citation de Morihei Ueshiba me revint à l’esprit : « l’Art de la Paix est fondé sur le principe de non-résistance. Parce qu’il est non résistant, il est dès le départ victorieux. »
Mon partenaire se releva et grommela : « Mais ce n’était pas la technique à pratiquer… »
Oui, mais c’était celle qui convenait.